jeudi 15 mars 2012

Quel expat' es-tu ?

Mon dernier article a été mystérieusement supprimé par les autorités de l'internet. C'est dommage, j'y élaborais un questionnaire tout à fait exceptionnel. Très sophistiquées, les questions visaient à vous faire découvrir avec précision votre profil d'expatrié à Shanghai. Puisque tout ce travail a disparu par un malheureux hasard, faisons comme si seules les réponses importaient.



Tu as un maximum de A :
Félicitations ! Tu es Le stagiaire stylé :

Bon, tu bosses jusqu'à 21h mais tu t'en branles : tu fais un compte à rebours sur les post-its de ton bureau pour voir passer les jours qui te séparent du week-end. Enfin tu pourras décompresser à grands coups d'alcool frelaté. Car vivre et se marrer dans la ville la plus chère de Chine reste moins cher qu'en France. C'est rassurant car t'es parti pour un stage non payé. Tout ça parce que t'avais lu dans L'Etudiant que la Chine ça fait bien dans un CV. Puis tes lieux préférés pour sortir sont sains culturellement : la clientèle chinoise est limitée aux plus riches qui alignent les bouteilles de champagne sur leur table, pour impressionner les putes et les blancs. Toi et tes copines pourront boire gratôs en méprisant ce vieux chinois solitaire qui apprécie crâner en votre compagnie. Et quel délice de retrouver au même endroit tes mêmes amis et collègues expatriés qui passent aussi leur week-end à alterner entre pyjama a clubbing-suit. Le bon plan c'est quand même qu'en étant un long nez (=长鼻子, surnom désignant les étrangers), c'est plus facile de gagner des points aux concours de chope de chinoises. Il est donc ludique de faire des pieds-de-nez à tes années acné.
Côté pratique, tu l'as bien compris, tu n'as pas besoin d'apprendre le chinois pour juste 6 mois. Tout le monde se débrouille en anglais autour de toi : les barmaids en boite de nuit et les vendeurs dans les marchés de contrefaçon. Puis au McDo tu peux pointer du doigt le sandwich que tu veux sur des photos.
Peinard dans mon lit de richardos au milieu de la guerrilla de feux d'artifice du nouvel an


Tu as un maximum de B :
Félicitations ! Tu es Le classique calvitie-cravate :

Ah, la belle vie ! Tu sais jouir des bienfaits de la dictature chinoise. La surcroissance de Shanghai en a fait un petit cocon tout à fait délicat. Petite bulle dans une Chine que t'ignores, tu jouis d'une ville dont l'IDH est encore plus élevé que celui de la France. Le plein-emploi te ravit tant il te chouchoute pour traverser la rue à chaque carrefour ou te guider dans le modernissime métro. Oui bon tu prends le taxi, mais c'est par confort hein, pas par peur. Car tu sais apprécier cette sensation de sécurité maximale. Ta famille peut rentrer de ses clubs et rendez-vous d'expats jusqu'à la maison sans crainte. C'est ça la liberté mon vieux, et tu n'as qu'à soupirer en levant les yeux au ciel quand on te dira que c'est le prix d'une répression infâme qui renverse le sentiment d'insécurité contre l'Etat qui bride ses citoyens.
La différence entre tes revenus occidentaux et le coût de ta vie ici est terriblement alléchante pour d'autres Calvitie-Cravates de Shanghai : les Independant Financial Advisers. C'est pile là que mon stage entre en scène, dans cette activité qui consiste à transférer l'argent de tes poches bien remplies vers des fonds d'investissements censés te les remplir encore plus, tout en s'en mettant plein les fouilles (pas moi hein, niveau salaire je suis dans la catégorie stagiaire stylé)

Reproduction très fidèle de mon boss, le bouc en trop et la cravate en moins


Tu as un maximum de C :
Félicitations ! Tu es L'entrepreneur malicieux :

Hybride des deux catégories précédentes, tu sais entretenir ton esprit djeun's dans ta vie professionnelle d'aspirant Calvitie-cravate. T'as volé L'Etudiant de ton petit frère dans les chiottes, et après quelques cours de chinois, tu t'es barré surfer la vague de ce nouvel eldorado où tes compétences prennent une valeur sacrément décuplée. Ici, il n'y a pas assez de temps dans 24h pour que tu puisses développer toutes les opportunités qui s'offrent à toi, et tu as du mal à comprendre tes copains du lycée qui stagnent en France bien qu'ils aient encore l'occasion de manger le fromage de chèvre qui te manque tant.

Mutation de Pudong, le centre financier de Shanghai

Ah le bon vieux temps


Bon. Assez craché dans la soupe à grand coups de caricatures condescendantes. Il est vrai que cette communauté d'expats est impressionnante dans un pays où l'immigration est si strictement réglementée. Et disons même qu'une notion d'insolubilité se dégage dans l'intégration des étrangers chez les chintoks. Loin des affiches de propagande officiellement xénophobes d'antan, on trouve facilement des explications concrètes : la barrière de la langue, une atmosphère bourrée d'a prioris culturels, la rassurante proximité de repères eux aussi importés...








Blague raciste tout à fait édifiante
Mais celles-ci n'ont leur sens que si elles reposent sur un progressif décalage entre deux espaces situés sur un même territoire. La bulle des expats s'éloigne doucement des racines et culture chinoises de Shanghai. Deux identités coexistent et grandissent côte à côte. D'une part, le modeste pouvoir d'achat chinois s'écarte du niveau de vie occidental qui s'empare de la ville. Et de l'autre, le cocon expat' se renforce en excluant les variables locales. Dans l'absolu, un niakwé fermé pourrait vivre à Shanghai sans goûter à son cosmopolitisme extrême, de même qu'un étranger fermé pourrait s'y plaire sans bousculer d'un poil ses habitudes en recréant son environnement favori.


Encore une fois le trait est forcé et l'exemple précédent tiré par les cheveux. Car il est plus que facile pour un étranger lambda de sortir des repères qu'on lui glisse sous les yeux. Tout invite à s'immiscer dans l'identité chinoise -sans refaire l'éternelle blague de la diarrhée après un repas local. Il convient même de dire que cette ville exprime parfaitement la dualité tout aussi éternelle entre tradition et modernité. Et mieux que ça, elle en exprime la complémentarité, avec l'intégration des variables profondément chinoises dans une dynamique moderne de futurs champions du monde. Et ça c'est fort. Mais contentons nous de critiquer lâchement les trucs pas cools.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire